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← articles plus anciens 27 novembre 2013 , par pascale krémer c’est quoi, un bon curé ? le père vandenbeusch mariant elise toussaint et bertrand morel, en novembre 2010. chaque jeudi soir, dans une ambiance lourde d’émotion, la veillée de prières et de chants fait église comble jusque 21h30, à saint-jean-baptiste de sceaux. paroisse dont l’ancien curé, le père vandenbeusch, a été enlevé , jeudi 14 novembre, au cameroun, par des islamistes nigérians. toute la nuit durant, des jeunes, nombreux, et d’autres paroissiens qui le sont moins, se relaient ensuite pour continuer de prier. volontaires pour un lever à 3 ou 4 heures du matin… c’est peu dire que le « père georges » a laissé une empreinte forte sur sa paroisse. un « prêtre génial », « charismatique », témoigne-t-on de toutes parts. des mères de famille nous l’avouent : elles qui attendaient le père georges à la sortie de la messe, tous les dimanches, pour le plaisir de discuter cinq minutes avec lui, s’étaient même auto-baptisées « les georgettes ». certains jeunes de l’aumônerie, eux, se disaient de la « team georges ». un curé aimé, comprend-on. mais qu’est-ce qui fonde, aujourd’hui, l’attachement à un prêtre ? qu’est-ce qu’un bon curé, aux yeux des ses ouailles ? le bon curé accueille à bras ouverts les nombreuses brebis égarées stéphanie moné, 37 ans, exerce une profession scientifique de haut vol, et dans son esprit, l’église, avant le père georges, avait une si piètre image qu’elle n’y a pas mis les pieds durant vingt ans . « tout cela avait pour moi quelque chose de trop strict. je n’ai pas fait baptiser mes enfants. mais petit à petit, ça m’a tracassée. un beau jour, j’ai pris mes enfants sous le bras et je suis allée à l’église saint-jean-baptiste, à côté de chez moi. je m’y suis sentie accueillie, pas jugée. le père georges est très psychologue, très fin, il sent ce qui nous a bloqués. il ne m’a pas dit que je me réveillais un peu tard. il était content de me voir arriver. il prend les gens là où ils en sont. je me suis réintégrée dans l’église. il m’a fait me sentir chez moi. » et a baptisé ses deux enfants en 2009. le bon curé écoute, sait se rendre disponible et mettre en réseau il trouve miraculeusement un moment pour tous ceux qui le lui demandent, accompagne, « apaisant », dans la maladie et le deuil. « il facilite les rencontres entre paroissiens, sans se mettre en avant, sans chercher à être le seul référent, le gourou » , apprécie céline moreau, une trentenaire, mère de trois enfants, actuellement en congé parental. elise morel-toussaint, 30 ans, clerc de notaire, ne connaissait rien « aux chants, aux rituels ». « en dehors du circuit », elle appréhendait la rencontre avec un prêtre. lorsqu’elle est venue frapper à la porte du presbytère pour parler baptême (après un « déclic » aux côtés de son compagnon, pratiquant), le père georges l’a écoutée pendant longtemps. puis il a cherché quelqu’un pour l’accompagner dans ce cheminement de deux années. « il a trouvé les bonnes personnes. un couple de gens faciles d’approche, parents de 7 enfants, par lesquels je ne me suis pas sentie jugée, qui ont compris mon parcours, ma sensibilité, ma famille atypique, collection de divorces et de mariages. » le bon curé n’a pas que des paroissiens de droite « il a une intelligence de l’accueil », résume florence de rochegonde, éditrice, 40 ans, qui se souvient de son arrivée, avec son mari, à la paroisse, « les pieds en dedans, croyants mais pas très pratiquants ». a peine quelques mots échangés avec le père georges, puis il leur lance : « mais invitez-moi à dîner ! mercredi prochain je suis libre. » « on a accepté et ce dîner nous a beaucoup plu. il nous a fait comprendre que la paroisse était très diverse, que toutes les tendances politiques étaient représentées, qu’il n’y avait pas que le modèle « cathos pratiquants de droite ». il nous a donné une place ». dans ses homélies, se souvient l’éditrice, il poussait subtilement des scéens très privilégiés à la réflexion, en portant un regard critique sur le monde actuel. « et finalement, il nous a ouvert l’esprit, à nous aussi. grâce à lui, on a découvert des gens de droite, cathos pratiquants, formidables ! » les enfants, qui galopent parfois en bas de l’autel, font un peu de bruit pendant la messe, ne sont pas un problème dans cette paroisse, apprécie-t-elle. « le père georges organisait même des samedis après-midis d’activités et de prière pour les tout-petits. il nous a donné envie de nous investir parce que cette église, c’était nous. on a créé une équipe de cadres dirigeants catholiques où l’on réfléchit à comment être chrétiens dans le monde de l’entreprise». le bon curé sait causer aux jeunes la modernité de la première homélie du père georges à sceaux, il y a neuf ans, reste en mémoire de yannick chabrot, 47 ans, contrôleur de gestion. « il nous a dit qu’il fallait qu’on ait le peps de porter l’évangile. » un peu caméléon, capable de fédérer toutes les générations, le père georges aurait pu être un excellent manager, en entreprise, croit m. chabrot . « il savait trouver les mots avec tout le monde, avec le milieu bourgeois des hauts-de-seine comme avec les gens de la rue que nous accueillions. avec les personnes âgées comme avec les jeunes. quand ces derniers dépassaient les bornes, il les recadrait avec bienveillance, sans jamais élever la voix, de telle façon que les jeunes ressortaient rayonnants de la conversation. » vincent, 20 ans, a été marqué par sa capacité à répondre simplement à toutes les questions, même les plus incongrues. « on lui demandait à quoi ça servait de rester en silence quand on se recueillait, comment on pouvait devenir prêtre, vivre une vie de prêtre… il nous disait que sa foi l’aidait au jour le jour. il avait une réponse à tout. et je me disais qu’elle était plutôt bonne. » aux jmj de madrid, il partage toutes les activités des jeunes qu’il accompagne. « on a trouvé ça sympa. » le bon curé se garde d’être intrusif pour elise morel-toussaint et son futur conjoint, les séances de préparation au mariage du père georges ne se sont pas limitées à des conversations sur la foi. « on parlait aussi de rugby, de cinéma, des problèmes de rer ou de boulot… surtout, il nous a expliqué qu’on n’était pas obligés de déballer toute notre vie, qu’on abordait avec lui ce qu’on voulait. que l’important serait que l’on sache se parler entre nous. » le jour j, il s’est déplacé à soixante kilomètres pour célébrer leur mariage à la campagne, et s’est mis toute l’assemblée dans la poche en plaisantant sur le registre des mariages antédiluvien. le bon curé ne force pas la main céline moreau, baptisée enfant par pure tradition dans une famille plutôt athée, a préparé, adulte, avec le père georges, sa première communion et sa confirmation. « au départ, j’avais peur qu’en mettant une main dans le système, mon bras entier ne soit emporté… mais il n’a pas essayé de me happer. il me disait toujours de prendre mon temps pour réfléchir, de sentir les choses mûrir…» le bon curé respire la foi « il lui arrivait souvent de sourire au moment de l’eucharistie », et cela a frappé pierre-vincent debatte, 50 ans, éditeur. « ce n’est pas fréquent de voir un visage de l’église aussi rayonnant. il avait une spiritualité profonde, vécue dans sa chair, dans tout son être.» mais le bon curé est un homme comme les autres son agenda électronique, son jogging du midi au parc de sceaux, sa pratique du rugby à meudon, du ski avec les jeunes de l’aumônerie, son abord simple, ont marqué les esprits. comme son humour. « il était capable, dans une homélie, de dire que tout cela ne se ferait pas uniquement par l’opération du saint-esprit », se rappelle stéphanie moné. avant le père georges, pour elise morel-toussaint, un prêtre était nécessairement « vieux, poussiéreux, en dehors de la vie courante » . « lui comprenait les choses du quotidien. il aurait pu ne pas être habillé en prêtre, c’était un homme normal.» florence de rochegonde raconte combien « c’était bizarre